Bien décidée à répondre de manière ambitieuse aux objectifs climatiques des accords de Paris et Glasgow, Bruxelles s’est résolument engagée sur la voie d’une région « bas carbone ». L’un de ses outils pour y parvenir : le service Expert Climat du Port de Bruxelles. Avec, dès sa première année de développement, un résultat spectaculaire.
Comme l’explique Philippe Matthis, le directeur général du Port de Bruxelles, « la Région bruxelloise s’est engagée sur une réduction à horizon 2030 de 40% des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 2005. Le Port a, lui aussi, adopté un plan ambitieux de lutte contre le réchauffement climatique. Nos bâtiments sont déjà neutres en émissions carbone depuis 2018. Et nous souhaitons évidemment que nos clients s’alignent sur cet objectif et que, à terme, tout le domaine portuaire puisse atteindre la neutralité carbone. Raison pour laquelle nous avons souhaité intensifier cette prise de conscience de nos concessionnaires en mettant en place notre nouveau service Expert Climat ! »
Cet expert a pour mission d’informer, de sensibiliser et d’accompagner les concessionnaires du Port qui le souhaitent dans des démarches visant à réduire — et idéalement neutraliser — leur empreinte carbone. C’est la société CO₂ Logic qui a été missionnée pour ce faire. Comme l’expliquent Laura Shahbenderian et Marie Orlovski, respectivement directrice de projet et CO₂ adviser chez CO₂ Logic, « nous récupérons pour cela toute une série de données liées à l’empreinte carbone des entreprises : consommation d’énergie d’une année entière, mobilité des employés, fret entrant et sortant, etc. Toutes ces données sont ensuite multipliées par des facteurs d’émissions, ce qui nous donne une cartographie des niveaux de consommation, exprimés en tonnes CO₂ équivalent ».
Identifier les sources d’émission n’est que la première partie du processus. « En effet, c’est après que ça se corse : il faut, avec les entreprises, trouver les moyens réalistes pour chacune de réduire de manière durable ces émissions. Heureusement, les entreprises en question sont plutôt convaincues du bien-fondé de notre démarche. Certaines envisagent même de généraliser l’exercice sur leurs autres sites en Belgique. »
Chaque année depuis 2020, le Port de Bruxelles sélectionne trois entreprises volontaires parmi ses 200 concessionnaires. Si elles acceptent, celles-ci sont soumises à deux obligations : mettre en place des solutions permettant d’atteindre la neutralité carbone et soutenir financièrement un projet international lié à la préservation du climat. Deux projets ont été soutenus cette année, ils sont situés au Guatemala et en Ouganda.
Préserver les fonctions environnementales de la forêt
Au Guatemala, dans la région de la Sierra de Lacandon, 35 millions d’arbres ont déjà été plantés et 16 000 hectares ainsi protégés dans le cadre d’une campagne de conservation de la forêt (soutien de la biodiversité et des espèces en danger) et de soutien aux communautés autochtones (autonomisation des femmes, protection des droits du sol). Ce projet est soutenu par Satic/Minera et Ready Beton.
Un écosystème autour de l’eau
L’autre projet, défendu par Rhenus, Loxam et par le Port lui-même, concerne la fourniture d’eau potable à des centaines de familles en Ouganda, dans le district de Kaliro. 15 puits ont été réhabilités, au profit de 17 000 personnes. Ce qui représente 46 millions d’eau pure et consommable, mais également une forte réduction de la déforestation locale et aussi une diminution des maladies causées par la consommation d’eau non potable.
Un éventail de mesures à mettre en œuvre
Trois entreprises ont donc relevé le défi pour cette première session Expert Climat. Elles viennent toutes les trois d’être officiellement certifiées neutres en CO₂. Herman De Backker est le Directeur Général de Satic/Minera (matières premières pour la construction) et Administrateur Délégué de Ready Beton : « Nous avons accueilli cette démarche avec enthousiasme. Il faut dire que nous faisons partie d’un groupe néerlandais et que, là-bas, ils ont déjà quelques coudées d’avance en matière de développement durable (de tels audits énergétiques existent depuis 2010). Par contre, ce type de démarche n’est pas encore très répandu dans notre secteur, et nous sommes fiers d’y être associés. »
L’étude effectuée par CO₂ Logic a pu calculer qu’ensemble, ces trois sociétés avaient émis 8 603 tCO₂e (tonnes CO₂ équivalent). Une grande partie de ces émissions de gaz à effet de serre provient du fret dont ces entreprises font une grande consommation. Le reste est essentiellement produit par les installations portuaires de ces trois firmes, parmi lesquelles on retrouve Rhenus, un fournisseur de services logistiques et de transports. « Dans la liste des recommandations, il y avait pas mal de quick wins possibles : le recours à l’énergie verte ou le remplacement de vieilles machines, se réjouit Bart Van Rossen, le patron belge de Rhenus. Nous nous employons maintenant à convaincre nos clients et partenaires de nous rejoindre dans cette démarche durable. Si on est soi-même convaincu de la démarche, c’est plus facile d’entraîner ses partenaires dans l’aventure, en tentant d’appliquer les principes de la doughnut economy ! »
Et donc, comment, arriver à réduire, voire à éliminer ces émissions ? Voici les pistes, audacieuses mais réalistes, qui ont été implémentées en concertation avec les trois entreprises :
- recours à des fournisseurs d’électricité verte + panneaux solaires
- utilisation accrue du transport fluvial et maritime (versus le transport routier)
- augmentation du parc de véhicules électriques
- accroissement du télétravail et développement d’un plan de mobilité (recours aux transports en commun)
Ce premier « audit énergétique » du Port de Bruxelles concerne également un troisième et dernier protagoniste : Loxam, une entreprise spécialisée dans la location de matériel aux professionnels. « La nature même de notre business permet d’éviter des achats importants et donc les rejets de carbone qui vont généralement avec. Notre matériel est en outre souvent hybride et en partie électrique, souligne Bill Olivier, directeur Belux chez Loxam. Cela dit, notre maillon faible reste la livraison du matériel chez les clients. Et donc, lorsqu’on pourra généraliser les véhicules électriques, ce qui est déjà le cas dans d’autres pays, nous pourrons faire des bonds de géant. De toute manière, les recommandations du Port sont assez similaires avec les engagements RSE du groupe Loxam, donc on avance. Ensemble ! »