Eric Delvallée
« Je me sens bien lorsque je navigue ! », sourit Eric Delvallée. Cette affirmation se vérifiera au fil de l’entretien qu’il nous a accordé pour préparer ce portrait. Ce pilote de bateau est en effet doublement chez lui au Port de Bruxelles.
Tout d’abord car il y habite réellement : Eric est en effet le concierge de la capitainerie, où il vit en famille. Ensuite car, depuis la trentaine d’années qu’il travaille pour le Port, il en connaît tous les coins et recoins comme sa poche. Il a débuté sa carrière en 1991 comme pontier et éclusier, après avoir travaillé sur des bateaux de marchandises mais aussi dans une imprimerie. « Mais je vais vous faire un aveu : ma formation de base, c’était menuisier ! »
Lorsqu’on s’étonne de le croiser dans son uniforme de travail (« Deux barrettes, avec le rang de commis principal ! », défend fièrement l’intéressé), notre homme de 56 ans explique que c’est toujours plus facile de porter l’uniforme quand on est chargé de faire appliquer des consignes de navigation, qui sont apparentées à un règlement de police.
Sa mission ? Nettoyer le canal à bord du Castor, le tout premier bateau-nettoyeur affrêté par le Port de Bruxelles. « Il a un peu l’allure d’un catamaran et est idéalement opéré par trois personnes : un pilote et deux personnes chargées de ramener, à l’aide d’un grand râteau, les déchets qui flottent. En fait, le bateau est équipé d’un panier qui, à vitesse réduite et à moitié immergé dans l’eau, ramasse tout ce qui flotte. Je crois qu’à part une maison entière, j’ai déjà tout ramassé dans mes filets. Même un coffre-fort qui flottait, à notre grand étonnement ! »
Le Port de Bruxelles, on ne le sait pas toujours, joue un rôle crucial en matière de prévention, de gestion et d’évacuation des déchets qu’on retrouve malheureusement dans le canal ou sur les berges environnantes. Chaque année, quelque 40 000 m3 de boues sont ainsi draguées, et pas moins de 200 m3 de déchets évacués de la surface du canal.
Eric détaille volontiers les autres dispositifs mis en place pour éradiquer cette pollution : sous le pont du square De Trooz, un système flottant permet d’intercepter les déchets et de les évacuer sans gêner les utilisateurs du canal. Un dispositif similaire, baptisé Clean River, a été mis en place devant les bureaux du Port. Ce dernier a été conçu à partir de plastique recyclé, rendant totalement vertueux et durable la récupération des déchets.
Le sentiment d’être utile
« Je ne vous mentirai pas : je trouve que les gens sont sales et jettent un peu n’importe quoi dans le canal. On remarque d’ailleurs que, pendant les vacances, l’eau est soudain plus propre, puisqu’il y a moins de monde dans la capitale. » Poussé dans ses réserves, Eric Delvallée admet rapidement une autre gêne : les odeurs des détritus récupérés, qui comprennent souvent des matières organiques, et qui mettent les narines des mariniers à rude épreuve. Et, parfois aussi, la lourdeur des objets, gorgés d’eau, qu’il faut sortir du canal à la main. Mais à force, l’habitude a adouci ces désagréments.
Toute une armada
Eric et ses collègues disposent d’une véritable flotte au Port de Bruxelles : outre le Castor, il existe un autre bateau-nettoyeur, le Botia, du nom de ce poisson d’origine asiatique ; mais aussi un ponton muni de deux citernes d’eau, le Pollux, qui est notamment utilisé pour des opérations de nettoyage ; le Bruocsella, la vedette rapide destinée aux visites VIP des installations ; ou enfin le Mounir, un Zodiac qu’on sort pour des interventions d’urgence, notamment pour venir en aide à la police fédérale. Enfin, un scoop : « Je ne sais pas si je peux déjà en parler, mais il y a un projet de bateau entièrement électrique, ce qui réduira encore les nuisances environnementales et rendra notre tâche encore plus vertueuse et durable. »
Un homme qui respire la plénitude
Quel plaisir de flâner le long des berges en compagnie d’Eric Delvallée, un homme droit qui assume ses tâches avec fierté et amusement, le sourire partiellement dissimulé derrière son abondante moustache. Un homme dont les centres d’intérêt ne s’arrêtent pas au seul Port de Bruxelles : « je fais du dessin et de la peinture, et je commence à travailler le cuir, notamment pour essayer de faire des sacs. J’ai toujours aimé ce qui était à la fois beau et utile. »