Grutier
Interview
grutier

Tous les jours, Nico Van Nieuwenhove prend de la hauteur. Il est en effet l’un des trois grutiers qui œuvre au Quai Léon Monnoyer du Port de Bruxelles. « Voir le monde qui se réveille le matin, ça n’a pas de prix. La vie recommence chaque jour, et j’en suis le témoin privilégié ! »

« Quand je suis là-haut,
j’admire Bruxelles qui se réveille le matin ! »

Chaque jour, Nico quitte son domicile malinois pour venir travailler à Bruxelles. Cela dit, il est né à Jette et n’a eu de cesse, toute sa vie, de tourner tout autour de Bruxelles. C’est d’ailleurs en français que ce néerlandophone totalement bilingue a répondu à nos questions. « De toute manière, au Port, on parle toutes les langues. Mes collègues directs sont espagnols et italiens, mais je travaille avec des gens originaires du monde entier et c’est génial. Vive la diversité ! »

Ce papa de deux garçons a aujourd’hui quarante ans et son job... eh bien c’est presque une histoire de famille. « En fait, mon patron, c’est... mon père ! Je sais que c’est bizarre mais c’est comme ça. J’avais d’abord tenté l’école supérieure mais je me suis très vite rendu compte qu’un travail de bureau, ce ne serait pas pour moi. Moi, j’ai des mains, et c’est pour les utiliser. J’ai un diplôme de jardinier, j’ai construit des piscines naturelles pendant un moment. Et puis un jour, mon papa, Patrick, qui est le responsable des dockers au Port, m’a dit qu’il avait besoin d’un homme et m’a demandé si ça m’intéressait d’essayer. 16 ans plus tard (dont 13 au sommet d’une grue), j’y suis toujours ! »

grutier
« Je travaille avec des gens originaires du monde entier et c’est génial. Vive la diversité ! »

Trouver, vite, la solution quand ça coince

Rentrons dans le vif du sujet en grimpant, par l’échelle, au sommet de la grue de Nico. Nous voici à 15 mètres de hauteur avec une vue saisissante sur tout Bruxelles. « Le job de base, c’est de charger et décharger les bateaux qui viennent du Port d’Anvers. Sauf exception, les camions, ce n’est pas pour moi mais c’est le travail d’un collègue, qui manipule lui un reach stacker, une espèce de gros clark qui peut soulever un container. Chaque container a un numéro d’identification unique et des tas d’infos qui le concernent : qui va venir le chercher, quand, etc. Et donc, à nous d’organiser et d’exécuter tout le circuit qui va permettre une fluidité du trafic. »

Mine de rien, un grutier au Port va manipuler entre 20 et 30 containers à l’heure. Et il a intérêt à être précis dans son job. « Les erreurs qu’on fait tous au début : placer un container à un endroit où il est inaccessible, avec plein d’autres par-dessus, par exemple. Ou charger dans un bateau un container qui ne devait pas l’être. Mais on apprend, c’est comme un Tetris ou un Lego mais en vrai. Le plus difficile, c’est d’acquérir précision, vitesse et concentration. Il y a des tas d’éléments différents à prendre en compte et, même après toutes ces années, je vous avoue que quand je suis là-haut, je dois rester concentré d’un bout à l’autre de mon service. »

Si l’envie vous vient de devenir grutier, sachez qu’il faut d’abord acquérir un diplôme de docker, ce qui implique notamment un stage, souvent au Port d’Anvers. Ensuite, il y a les horaires. Généralement, Nico et ses collègues se partagent deux shifts : 6-14 et 14-22. Mais il arrive parfois qu’il faille dépasser, généralement parce qu’un bateau est arrivé en retard. Et pour ne pas enrayer toute la chaîne, il n’est pas vraiment conseillé de bloquer une péniche sur le canal. Et donc, on charge et on décharge, quelle que soit l’heure.

grutier
« Je sais que lorsque j’ai rempli une barge avec 200 containers, eh bien cela fait 200 camions en moins dans les rues de Bruxelles. »

Interpellé sur le sens de son travail, Nico s’emballe. « Je sais pour qui je travaille. Je sais que lorsque j’ai rempli une barge avec 200 containers, eh bien cela fait 200 camions en moins dans les rues de Bruxelles. Et j’ai l’impression de servir à quelque chose. Cela dit, je trouve encore que les gens, aujourd’hui, commandent tout et n’importe quoi, sans se rendre compte que toutes ces allées et venues créent de la pollution et de l’encombrement. Renvoyer sa chemise, achetée par correspondance, parce que la couleur ne vous plaît pas à 100%, ce n’est pas vraiment idéal en termes de durabilité », conclut-il d’un rire jaune.

Question traditionnelle pour terminer : que fait Nico quand il n’est pas perché sur sa grue ? Eh bien il travaille encore. « Avec mon épouse, on adore retaper des maisons. Nous sommes d’ailleurs, et c’est une grande fierté, occupés à construire nous-mêmes notre prochain logement. On y passe tout notre temps libre. Avant, je faisais du VTT, mais je n’ai plus vraiment le temps. »